Voyons en quoi
consiste la méthode intuitive, comment on l’applique ailleurs, comment on peut
l’appliquer chez nous, et s’il est bien vrai qu’elle prétende, en philosophie
comme en pédagogie, tout ramener aux sens.
Le mot intuition,
qui n’est pas encore d’un usage très commun, est un mot parfaitement formé,
qui appartient à notre bonne langue[1],
et, comme tous ceux qui expriment un fait très simple, il est plus facile à
comprendre qu’à définir. C’est ici même, si je ne me trompe, c’est à la
Sorbonne qu’il a fait son entrée dans l’enseignement officiel, vers 1817, avec
tout l’éclat qu’avait alors la parole de M. Cousin.
L’intuition, c’est l’acte le plus spontané de l’intelligence humaine, celui par lequel l’esprit saisit une réalité, sans effort, sans intermédiaire, sans hésitation. C’est une «perception immédiate», qui se fait d’un seul coup d’œil en quelque sorte. S’agit-il d’une réalité matérielle ? Les sens la perçoivent aussitôt : c’est le cas le plus simple, le plus familier, le plus facile à remarquer. S’agit-il d’une idée, d’une vérité, de réalités enfin qui ne tombent pas sous les sens ? Nous disons encore que nous les saisissons par intuition, lorsqu’il suffit à notre esprit qu’elles se présentent à lui pour qu’il les affirme et les comprenne, sans le secours du raisonnement et de la discussion. Nous procédons par intuition toutes les fois que notre esprit, soit par les sens, soit par le jugement, soit par la conscience, connaît les choses avec ce degré d’évidence et de facilité que présente à l’œil la vue distincte d’un objet. Ainsi l’intuition n’est pas une faculté à part, ce n’est pas quelque chose d’étranger et de nouveau dans l’âme humaine. C’est l’âme humaine elle-même apercevant spontanément ce qui existe en elle ou autour d’elle. De là, trois sortes d’intuitions ou, plus exactement, trois domaines dans lesquels l’intuition peut s’exercer sous des formes diverses, mais toujours avec les mêmes caractères essentiels : l’intuition sensible, c’est celle qui se fait par les sens; l’intuition mentale proprement dite, celle qui s’exerce par le jugement sans l’intermédiaire ni de phénomènes sensibles ni de démonstration en règle; enfin l’intuition morale, celle qui s’adresse au cœur et à la conscience.
L’intuition, c’est l’acte le plus spontané de l’intelligence humaine, celui par lequel l’esprit saisit une réalité, sans effort, sans intermédiaire, sans hésitation. C’est une «perception immédiate», qui se fait d’un seul coup d’œil en quelque sorte. S’agit-il d’une réalité matérielle ? Les sens la perçoivent aussitôt : c’est le cas le plus simple, le plus familier, le plus facile à remarquer. S’agit-il d’une idée, d’une vérité, de réalités enfin qui ne tombent pas sous les sens ? Nous disons encore que nous les saisissons par intuition, lorsqu’il suffit à notre esprit qu’elles se présentent à lui pour qu’il les affirme et les comprenne, sans le secours du raisonnement et de la discussion. Nous procédons par intuition toutes les fois que notre esprit, soit par les sens, soit par le jugement, soit par la conscience, connaît les choses avec ce degré d’évidence et de facilité que présente à l’œil la vue distincte d’un objet. Ainsi l’intuition n’est pas une faculté à part, ce n’est pas quelque chose d’étranger et de nouveau dans l’âme humaine. C’est l’âme humaine elle-même apercevant spontanément ce qui existe en elle ou autour d’elle. De là, trois sortes d’intuitions ou, plus exactement, trois domaines dans lesquels l’intuition peut s’exercer sous des formes diverses, mais toujours avec les mêmes caractères essentiels : l’intuition sensible, c’est celle qui se fait par les sens; l’intuition mentale proprement dite, celle qui s’exerce par le jugement sans l’intermédiaire ni de phénomènes sensibles ni de démonstration en règle; enfin l’intuition morale, celle qui s’adresse au cœur et à la conscience.
Ces trois
intuitions ou plutôt ces trois noms de l’intuition embrassent les diverses
parties de l’activité intellectuelle de l’homme à l’état instinctif, pour ainsi
dire. Juger par intuition, c’est presque juger d’instinct.
Par ce rapide
exposé, vous voyez tout de suite en quoi notre définition française de
l’intuition diffère de celle des philosophes allemands, et vous pressentez que
la méthode intuitive qui en dérivera ne sera pas celle qui attend tout des
sens. L’usage a prévalu en Allemagne, malgré de hautes et notables exceptions,
de ne prendre le mot « intuition » (Anschauung) que dans le
sens de l’intuition sensible, et, par conséquent, de faire consister
l’enseignement intuitif dans ce qu’on a nommé chez nous l’enseignement par
l’aspect ou par les yeux. Nous, au contraire, sans diminuer la part
de ce genre d’enseignement, nous croyons que l’intuition a bien d’autres services
à rendre.
La méthode
intuitive, telle que nous la comprenons, est celle qui en tout enseignement
fait appel à cette force sui generis, à ce coup d’œil de l’esprit,
à cet élan spontané de l’intelligence vers la vérité. Elle consiste non dans l’application
de tel ou tel procédé, mais dans l’intention et dans l’habitude générale de
faire agir, de laisser agir l’esprit de l’enfant en conformité avec ce que nous
appelions tout à l’heure les instincts intellectuels.
La méthode
intuitive, c’est celle qui dit au maître : Votre tâche devient de jour en jour
plus lourde et plus compliquée. Pour la remplir, il faut vous faire aider. Par
qui ? Par de bons livres, de bons procédés, de bons programmes ? Oui, sans
doute, mais plus encore par l’élève lui-même. C’est votre plus sûr auxiliaire,
votre collaborateur le plus efficace. Faites en sorte qu’il ne subisse pas l’instruction,
mais qu’il y prenne une part active, et
vous aurez résolu le problème.
Au lieu d’avoir à le faire avancer malgré lui en le traînant par la main, vous
le verrez marcher joyeusement avec vous.
La méthode
intuitive n’a pas d’autre secret; elle traite l’enfant comme un être qui a en
lui-même l’instinct du savoir et toutes les facultés nécessaires pour l’acquérir;
elle s’applique à laisser faire la nature autant que possible.
Sans doute la
nature ne se suffira pas toujours, mais au moins ne faut-il pas la rebuter; c’est
ce qui distingue l’éducation du dressage : l’une développe en réalité des
dispositions naturelles, l’autre n’obtient que des résultats apparents à l’aide
de procédés mécaniques.
Ferdinand Buisson, Extrait de
la conférence sur l’enseignement intuitif, faite aux Instituteurs délégués à
l’Exposition universelle de 1878. Delagrave, éditeur, p. 331.
Conférence disponible en entier à : Ferdinand Buisson, L'enseignement intuitif (Paris, 1878)
Ce passage est cité dans :
F. Brémond, Lectures de pédagogie pratique, pages 39-61
Librairie Delagrave , Paris, 1931,
MODES, MÉTHODES ET PROCÉDÉS D'ENSEIGNEMENT
Librairie Delagrave , Paris, 1931,
MODES, MÉTHODES ET PROCÉDÉS D'ENSEIGNEMENT
La méthode intuitive, F. BUISSON
La méthode active, H. MARION
Comment doit-on interroger ? E. BOUTROUX
De la manière d’interroger, E. CAZES
Chapitre de Brémond disponible en entier : http://michel.delord.free.fr/bremond_37-61-methodes.pdf
[1] « Tout homme est intuitivement convaincu de
la vérité de cette proposition :
deux est plus qu’un. » (Boulainvilliers.)
— « Locke
appelle avec quelque raison connaissance intuitive celle qui se forme du
premier et du plus simple regard de l’esprit. » (Le P. Buffler.)
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