dimanche 12 avril 2015

Le dessin dans les manuels de leçons de choses



Un sort doit être fait à la négligence de la place du dessin dans les manuels anciens. Ceux-ci passent inaperçus dans l’analyse de S. Bonnery. Pourtant, ce type d’exercice est presque systématiquement proposé à la fin des leçons. Il s’agit de dessiner à partir d’une observation, de compléter un dessin ou tout simplement de le recopier.

Or, on le sait, le dessin est une « chose de l’esprit ». Pour dessiner un objet, il faut l’avoir analysé, pour pouvoir ensuite en faire la synthèse graphique. Les manuels alternent des dessins d’observation, reproduisant l’aspect extérieur de l’objet, et des dessins schématiques, qui suivent les conventions et les codes du schéma scientifique. Peu importe : le dessin est constructiviste par essence, puisqu’il oblige à penser ce qui définit l’objet en question. Il permet de faire un pas sur le chemin qui mène à l’abstraction.

Dans le cas du hanneton, le sectionnement caractéristique des insectes est bien mieux compris s’il fait partie du cahier des charges de sa représentation graphique qu’après une simple explication ou même une suite d'activités destinées à faire découvrir la notion. On pense ici au remarquable Cahier d'observation CM de Payan-Mercier-Laronze, qui centre toute la leçon sur la pratique du dessin. Dans la leçon sur le hanneton (p. 36), il faut « terminer le dessin du hanneton », puis « colorier la tête en brun, le thorax en brun foncé, l'abdomen en jaune ».

Ainsi, à la différence des manuels actuels, la construction des notions est indissociable de leur manifestation concrète, et, on l’a vu, n’aboutit pas systématiquement à la dénomination du concept. Cette construction est souvent postérieure à l’énoncé de la leçon : l’élève a rarement à découvrir une notion par lui-même, ce qui lui garantit une forme de sécurité intellectuelle. Cependant, ce n’est pas parce que cette construction suit l’énonciation qu’elle n’existe pas.

La « découverte » n’est pas forcément neutralisée par la leçon, et peut avoir lieu à n’importe quel moment du cours : lors d’un questionnement, de la lecture de la leçon, d’un exercice à trou, du dessin, ou de l’observation d’une illustration ou d’une photographie. L’idéal est même que cette découverte s’échelonne tout au long du parcours, et soit répétée grâce à des voies d’apprentissage diverses : narrative pendant la leçon, visuelle pendant l’observation, kinesthésique et visuelle pendant le dessin.