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mercredi 25 janvier 2012

Le dessin d’observation (pour les patates)



Une patate dessinée ce matin

On fait très rarement le lien entre le dessin d’observation et le dessin d’imagination. Les deux sont présents depuis bien longtemps à l’école primaire (comme on peut le voir dans les précédents articles de ce blog), mais dans des domaines différents.
Si vous avez l’occasion de voir des cahiers d’écoliers de la première moitié du XXème siècle par exemple, vous verrez des illustrations (généralement particulièrement soignées pour ce que j’ai pu en voir chaque fois que j’ai eu la chance de lire de tels travaux), accompagnant les leçons de mathématiques, les leçons de choses, mais aussi certaines dictées et compositions françaises.
Actuellement, le dessin d’observation est utilisé surtout au cours des démarches d’investigations recommandées en sciences (l’élève doit représenter les dispositifs expérimentaux réalisés en classe). Comme il n’est pas guidé, les élèves se sentent parfois perdus, ne sachant pas bien ce qu’il faut représenter et comment le faire. En outre, au cycle 3, il se trouve que les élèves arrivent à un âge où ils sentent souvent le décalage entre ce qu’ils veulent représenter et ce qu’ils arrivent à faire. C’est le moment où beaucoup se sentent découragés face au dessin.
J’entends d’ailleurs le même refrain chez de nombreux adultes « de toutes façons je ne sais pas dessiner ». Cependant je crois que c’est normal car dessiner et représenter quelque chose, cela s’apprend. Il s’agit d’apprendre les gestes, mais aussi la façon de regarder. Tout le monde peut apprendre cela, à n'importe quel âge, ce n'est pas forcément compliqué.

Les enfants (et de nombreux adultes qui n’ont jamais appris à dessiner) vont représenter ce qu’ils pensent et non ce qu’ils voient. Par exemple, s'ils veulent dessiner un chat, ils savent que le chat a quatre pattes, des moustaches, des dents, une queue, des oreilles, et vont tout indiquer simultanément sur la feuille. Ils vont aussi dessiner le fameux soleil avec ses rayons « parce que tout le monde sait que le soleil a des rayons», le ciel bleu comme une bande très haut dans le ciel « parce que tout le monde sait que le ciel est bleu et qu’il est au-dessus de nous », et même, beaucoup dessineront des maisonnettes aux toits rouges et pointus alors qu’ils habitent dans des immeubles en plein Paris.

De plus, quand quelqu’un qui n’a pas appris à dessiner d’après nature essaye de représenter ce qu’il a sous les yeux, il se décourage très vite parce qu’il ne sait pas voir le tout : il voit d’abord un ensemble d’éléments sans percevoir les liens entre eux, les rapports de taille et de proportion par exemple : s'il veut dessiner le visage de la personne qui lui fait face, il va commencer par un œil, puis l’autre, puis les autres éléments, et par exemple, comme les yeux sont ce qu’il remarque en premier, il va les faire trop gros et trop détaillés par rapport au reste. Le résultat ne le satisfera sans doute pas et on entendra à nouveau « de toutes façons, je ne sais pas dessiner ».
C’est normal, cela s’apprend, même si on ne l’apprend pas, de fait, ni à l’école primaire ni au collège, où il n’est pas rare de devoir suivre des consignes du type « dessinez votre voisin de table puis collez des bouts de papier mâché dessus. » Il est alors impensable de demander à l’enseignant des conseils techniques pour que ce soit ressemblant, puisque tout élément figuratif est généralement à bannir, le but de l’opération étant uniquement de patouiller pour reproduire un procédé employé par tel ou tel artiste contemporain. Ces séances ne sont pas nécessairement dépourvues d’intérêt, cependant je déplore que l’on se prive d’apprendre certaines bases techniques qui peuvent être utiles tout au long de la vie y compris dans la connaissance de l’art contemporain. On emploie souvent en effet cette citation de Picasso, qui, très jeune, savait déjà très bien dessiner  "J'ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant." Mais en déduire qu’apprendre à dessiner nous empêche de dessiner comme des enfants et de devenir des génies comme Picasso serait un contresens fâcheux. Même Picasso n’aurait pas pu se passer de son savoir sur le dessin sans lequel il n’aurait pas été capable de réaliser ses œuvres, surtout pas celles qui ressemblent le plus à des dessins d’enfant.

Contrairement à ce que certains croient, aucun enfant de 4 ans ignorant ce qu’est le dessin ne fera ceci.

Pour qu'en quelques traits il nous paraisse si évident que c'est un taureau, et que l'ensemble soit si harmonieux, il faut que Picasso ait eu une maîtrise parfaite du dessin d'observation.

Il est temps à présent d’apprendre, justement, à dessiner un objet simple que l’on a sous les yeux.
Le but du prochain article (je trouve que celui-ci est déjà bien assez long) sera donc d’être capable de dessiner une pomme de terre, tubercule chère à Henri Cueco et qui nous permettra donc de briller en société grâce à notre grande connaissance de l’histoire de l’art et de l’art contemporain.
Une pomme de terre vue par Cueco



1 commentaire:

  1. Bravo pour cet article, très alléchant pour la suite, mais qui témoigne par ailleurs d'une vraie réflexion pédagogique.
    Merci.

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